publié le 8 juin 2022
par Cécilia Rodriguez-Beaudoin
En plus de mon travail d’enseignement et de mon groupe, j’étais encore étudiant à Cambrian, maintenant dans ma troisième année. Cette année-là, Susan Van Wagner est arrivée, une violoniste extraordinaire, en première année au programme. Pendant une de nos classes de performance, où les étudiants jouaient pour – et se faisaient critiquer par – leurs pairs, elle a joué le premier mouvement du concerto de Wienwaski.
C’est à ce moment que je suis tombé complètement amoureux de la violoniste et la femme. Je savais qu’il fallait que je trouve un moyen pour qu’elle apprenne à me connaître, pour qu’elle finisse peut-être par m’aimer. Je me suis dit que si je pouvais faire appel à la musicienne en premier, le reste serait peut-être plus facile.
Alors j’ai composé une suite pour sept musiciens avec, vous l’avez peut-être deviné, le violon en primeur. Je lui ai demandé si elle voulait faire partie de la performance au mois de février 1978. Elle a accepté, et après toutes nos heures de travail ensemble, à mon grand bonheur, l’amour est arrivé.
Comme la suite ne durait que 30 minutes, j’ai dû trouver d’autres artistes pour monter le reste du concert. Alors, j’ai eu l’idée d’inviter la Cuisine de la poésie (Robert Dickson, Pierre Germain et Gabrielle Dion) ainsi que la poète Sharon P. Whidden et son trio jazz (Raynald Duhaime à la basse, Kim Lundberg au piano). Kim est devenu pianiste de jazz de renommée.
La soirée fut un succès et ce fut le début d’une très longue relation artistique et personnelle avec Pierre Germain et Robert Dickson. J’ai appelé le concert An evening in the Evermist.
Quelques mois plus tard, Sue et moi, ainsi que Ray Duhaime et Jedd House formions le groupe Postscript.
Notre stuff était une fusion de chansons et de pièces instrumentales dans une mixture de classique, jazz et folk. On jouait dans les festivals, les concerts spéciaux et de petits cafés à Toronto. C’est à cette période-là qu’on a eu la chance de jammer avec des musiciens qui jouaient le même genre de musique que nous, entre autres Corcoran et Gosselin, Barde et le duo d’Yves Cloutier et Bruce Murchison.
Le groupe ne générait pas beaucoup de cash, alors on a décidé de partager un petit appartement d’une chambre au bout de la rue King. (photo sur les escaliers en arrière de la rue King 7) Sue et moi couchions dans le salon, Jedd dans la chambre, et Ray sur son petit lit pliant devant le frigo dans la cuisine.
Ça va sans dire qu’il n’y avait pas beaucoup d’espace ou d’intimité et qu’il y avait beaucoup de tension pendant nos répétitions et sessions de création.
Près de là habitait Michel Galipeau, jeune étudiant en art visuel à Cambrian. Dans son petit appartement au-dessus du magasin du coin, il n’avait qu’une toilette et un lavabo et souvent, il interrompait nos répétitions pour venir prendre sa douche. En partant, il lançait toujours un petit commentaire non voulu comme « Vous jouez de la musique pour faire pleurer les morts ».
En dépit de ça, c’était le début d’une grande amitié qui a mené à plusieurs collaborations artistiques (comme la performance avec Robert Dickson et Sylvie Mainville à son vernissage pour sa série El Poder Intimo en 1992).
En plus, il nous a même donné une gig : jouer pour son vernissage au sous-sol de l’ancienne Slague, rue Ignatius, ou comme on l’appelait, « the bowling alley ».
L’été de 1978 était l’été des chips saveur orange, cerise et raisin et avec moi qui avait beaucoup d’étudiants de guitare et Sue qui faisait du regreening pour INCO, l’énergie n’était plus là pour continuer Postscript. Jedd est retourné dans sa ville natale d’Orangeville, Ray est disparu à l’horizon sur sa moto et Sue et moi avons déménagé dans un appartement de la rue Riverside. Quel luxe d’avoir un appartement à nous seuls!
L’automne venu, Sue est retournée à ses études à Cambrian et j’ai continué à donner des leçons de guitare. Si ma mémoire est bonne, je donnais aussi des leçons au Centre des jeunes (ancêtre du Carrefour francophone). On avait commencé à travailler des tounes pour un nouveau groupe qu’on voulait appeler Guaranteed Fresh, mais tout ne s’est pas déroulé comme prévu.
Graduellement, c’est devenu clair que Sue se sentait de moins en moins bien. Après une visite chez le docteur, elle a eu un diagnostic de Hodgkins stade 3. Elle avait besoin de soins et de ressources qu’on n’avait pas les moyens de payer, alors ses parents ont suggéré qu’elle déménage chez eux à Deep River. Je prenais le bus toutes les deux semaines pour aller la voir là-bas. Mais un jour, peut-être par amour, parce qu’elle savait que son futur était douteux, ou parce qu’elle était épuisée par tous ses traitements, elle a décidé de rompre et m’a demandé de ne plus revenir.
On est resté en contact, on se parlait au téléphone. Je lui disais que l’appartement et ma vie étaient vides sans elle. À sa suggestion, j’ai investi mon temps et mes efforts dans notre projet Guaranteed Fresh. Il y a eu deux versions du groupe sans elle, les deux sans violoniste; elle était simplement irremplaçable. Alors qu’elle subissait encore ses traitements, elle est venue voir la première du groupe au festival Boréal l’été 1979.
Contre toute attente, elle a éventuellement vaincu sa maladie et a déménagé à Montréal. Les choses allaient bien pour elle et elle a même fait une tournée au Japon avec le Cirque du Soleil. En 2001, elle en a eu assez de la musique et est retournée suivre des cours en anthropologie et en linguistique à McGill. Elle a commencé à donner des cours d’anglais à Montréal et a rencontré l’amour de sa vie, un Suisse avec qui elle vit heureuse à Berne. On est encore chums sur Facebook.
Et le groupe dans tout ça? Comme j’ai déjà mentionné, il y a eu deux incarnations du groupe, en 1979 et en 1980. Mais le succès n’était pas au rendez-vous. Alors avec le batteur, Philip May, et le guitariste électrique du groupe, Peter Nelson, nous avons commencé à jouer dans les bars en formation trio.
J’ai emprunté une Fender Jazz bass et ce fut le début de ma romance avec la contrebasse. Et le nom du groupe? Puisque Guaranteed Fresh était le nom du groupe qui jouait des tounes originales, on avait besoin d’un nom pour un groupe qui jouait des reprises. Alors Freeze-Dried est né.
Restez à l’affût pour la prochaine partie du blogue Quarante ans en musique : la carrière de Dan Bédard !
Ce blogue a été rédigé par Dan Bédard et révisé par Normand Renaud.
Dan Bédard a œuvré en tant que réalisateur / arrangeur, musicien et directeur musical auprès de plusieurs artistes, dont Michel Dallaire, Jacinthe Trudeau et Stef Paquette. Il a été directeur musical pour plusieurs éditions de « Ontario Pop », du festival « Quand ça nous chante » et de « La nuit sur l’étang ». Au mois de mai 2017, il est présenté avec le Prix hommage pour l’ensemble de son oeuvre comme réalisateur, compositeur, musicien et concepteur sonore, lors du Gala Trille Or à Ottawa mai 2017, et fût récipiendaire du Prix de contribution exceptionnelle aux arts à la Célébration du maire pour les arts à Sudbury au mois de juin 2018.